livre "J'arrête la pilule" de Sabrina Debusquat
Beauté - Santé,  Écologie et Société

J’ai lu « J’arrête la pilule », de Sabrina Debusquat

(et non, ceci n’est pas une annonce de grossesse déguisée). 

Cela fait quelques mois que j’ai lu J’arrête la pilule de Sabrina Debusquat et que j’ai envie de vous en parler. J’ai écrit et réécrit paragraphe après paragraphe, tourné et re-tourné autour du pot car le sujet reste délicat, mais on ne peut pas parler de bien-être en évitant le sujet de la contraception. 

Avant toute chose, sachez que je ne remets en question aucune méthode de contraception. Le plus important est de faire un choix libre, en toute conscience des conséquences et éventuels effets secondaires, car chaque moyen de contraception a ses avantages et inconvénients. 

C’est dans cette optique de choix éclairé que je me suis tournée vers ce livre. Après 12 ans de pilule, j’avais envie de changer de moyen de contraception, mais surtout d’en savoir un peu plus sur ce cachet que j’ai pris à 3276 reprises (pour ceux qui doutent – à raison – de mes capacités en calcul : base 21 cachets par plaquette, 13 plaquettes/an environ). Si vous avez mon âge ou plus, vous vous rappelez sans doute le scandale des pilules de 3ème génération. Depuis, on a vu les notices les accompagnant passer d’un A4 recto-verso (un peu comme celle pour le paracétamol) à un feuillet 4 pages. Ce fait semble anodin, il est pour moi révélateur de la désinformation qui entoure ce cachet pris par des milliers de françaises, souvent sur prescription de médecins généralistes. D’ailleurs j’ai toujours été étonnée que l’on puisse se procurer si facilement ce médicament qui agit sur les hormones alors qu’une ventoline doit être délivrée sur ordonnance.

 

Mon avis sur le livre

Dans son livre, Sabrina Debusquat propose une véritable enquête sur la pilule, prise en masse et pourtant si peu connue. J’ai aimé ce livre d’abord pour son humilité : pas de lecture indigeste, d’informations noyées sous des tournures alambiquées. Le livre est très bien écrit et se lit facilement. On sent d’ailleurs que l’auteure a fait un gros travail de recherche et de tri en amont, afin de nous proposer un condensé d’informations accessible, avec des études bien choisies pour illustrer ses propos. L’enquête part de la création de la pilule pour expliquer pourquoi on a fait d’elle le moyen de contraception « par défaut », les non-dits qui l’entourent aujourd’hui et la mauvaise connaissance que les utilisatrices en ont. Elle a également mené une enquête auprès de femmes de tous âges afin d’intégrer également des témoignages au livre, en plus du sien. 

Si l’auteur annonce dès le début qu’elle ne veut pas faire le procès de la pilule, j’ai été rapidement indignée et en colère devant les informations qu’elle nous donne. À la fin de ma lecture, je n’avais qu’une question : « pourquoi ? ». Pourquoi ne nous renseigne-t-on pas mieux au moment de la première prescription ? Pourquoi doit-on nous-mêmes aller chercher les véritables effets indésirables que la pilule peut avoir sur nos corps ? 

En fin d’ouvrage on retrouve un classement des modes de contraception par efficacité, selon l’OMS, qui permet de s’informer sur les différents moyens de contraception, leurs utilisation et limites (je vais vous décourager tout de suite : le seul moyen fiable à cent pour cent est l’abstinence. De rien.). Ce tableau est très utile car il permet aussi de remettre en perspective tout ce que l’on a lu sur la pilule. Elle est certes pleine de défauts mais elle n’est pas la seule. Après tout, le moyen de contraception le plus fiable est celui le plus adapté à nos corps, vies et besoins.

 

Quelques informations marquantes

Il est difficile de vous faire un compte-rendu complet sans réécrire le livre ou vous assommer avec de nombreuses données. Voici plutôt quelques thématiques ou informations qui m’ont marquée pendant ma lecture. N’hésitez pas à les creuser de votre côté ou à lire le livre à votre tour pour en savoir plus.

  • À échelle mondiale, la contraception n°1 reste la stérilisation, à laquelle 30% de la population a recours, dont 61% des Canadiens, 56% des Brésiliens et 50% des Américains. Ensuite, c’est le stérilet ou DIU (avec ou sans hormones) qui arrive en deuxième position avec 22% d’utilisatrices. À la troisième place, la pilule (14% d’utilisatrices dans le monde) est talonnée par le préservatif (13%).
    En France, la pilule reste le moyen de contraception n°1 avec 41% d’utilisatrices, et pourtant nous avons également un taux d’IVG plus élevé que dans d’autres pays d’Europe où la contraception est moins bien remboursée. Cela paraît paradoxal, c’est en fait parce que la pilule est prescrite « par défaut ». Sans réelle écoute des besoins et habitudes de la patiente, on prescrit une méthode de contraception inadaptée et donc, qui sera mal utilisée (oublis, tolérance…). La France est tellement focalisée sur la pilule comme « seul » moyen de contraception valable que les médecins prescrivent quasi-systématiquement la pilule à des femmes qui viennent de subir une IVG parce qu’elles avaient mal pris leur pilule (oui, on décroche le pompon là…). Source : pages 28-38.

  • Les effets de la pilule se feraient ressentir longtemps après l’arrêt. Très longtemps même : il faudrait jusqu’à 20 ans pour en être totalement sevrée.
    Le corps féminin a pour mission de faire des réserves, de graisses notamment, dans l’éventualité d’une grossesse (la vie est injuste). Avec ces graisses, nous mettons aussi soigneusement de côté des hormones et leurs résidus, dont celles de la pilule. C’est pour cela que des effets secondaires dus à la prise de pilule peuvent apparaître même plusieurs mois après l’arrêt.  Si vous avez un projet bébé, il serait donc recommandé d’attendre quelques mois après l’arrêt de la pilule, afin de laisser au corps le temps d’en déstocker les résidus. Sources : pages 139-141.

  • Pilule et endométriose ne feraient pas bon ménage. En effet, la pilule endormirait les douleurs sans stopper la progression de l’endométriose, masquant ainsi sa gravité. A l’arrêt de la pilule, on peut malheureusement découvrir que la maladie a empiré, avec parfois de lourdes conséquences (infertilité, douleurs lors des rapports sexuels…). Source : page 132

  • La pilule est un perturbateur endocrinien par définition puisqu’elle agit directement sur les hormones. On nous a sensibilisés au sujet sur de nombreux aspects de nos vies : plastiques, compositions des produits cosmétiques… mais pas un mot sur la pilule dans les discours grand public.
    Elle n’a d’ailleurs pas d’effet que sur nos corps, elle impacte aussi les écosystèmes, et donc pollue nos eaux, nos aliments… et donc notre santé : « Par comparaison, l’une des molécules principales de la pilule, l’ethinylestradiol alias EE2 (un oestrogène synthétique) est mille fois plus puissante que le bisphénol A (oestrogène synthétique). […] Dès 0,1 à 0,3 nanogrammes, par litre d’eau, l’EE2 perturbe la faune. Or nous en retrouvons dans les rivières françaises à des taux 1 à 71 fois supérieurs, jusqu’à 500 fois dans les rivières anglaises. Dès 2002, une expérimentation menée dans le lac d’Ontario au Canada montre qu’exposer des poissons à 3,8 à 5,8 nanogrammes d’EE2 par litre d’eau a abouti à une « quasi-extinction » de certaines espèces. En trois années, l’EE2 a transformé tous les mâles en femelles. […] Dans le cas français, l’EE2 se retrouve dans l’eau que nous buvons ». Source : pages 146-151

  • Margaret Sanger est à l’origine de la pilule. Si au début elle avait en tête la liberté des femmes, elle a vite vu en la pilule un moyen de servir ses convictions eugénistes (en gros, empêcher les pauvres et les déficients de se reproduire. Classe…). À l’époque, les classes les plus favorisées avaient déjà connaissance de méthodes de contrôle des naissances, la pilule était pour elle une solution pour les femmes « pauvres », « irréfléchies » ou « débiles ». Ah l’entraide féminine… Source : pages 55-69.

  • À son invention, la première pilule n’aurait jamais dû être mise sur le marché. En effet, le chercheur en charge de sa mise au point en a vanté trop tôt les mérites. Il a donc fallu développer et commercialiser dans l’urgence ce nouveau médicament, après seulement un an de tests sur un échantillon d’une centaine de femmes à peine, en écartant de l’étude les femmes qui présentaient des effets secondaires. Pourtant, l’Institut américain en charge d’accepter ou non les lancements de médicaments autorise la mise sur le marché de la pilule. Sous l’eau face à de nombreux lancements de médicaments, il ne regarde qu’un seul critère : l’efficacité. En Europe, on se fie à l’époque aux critères américains, et la pilule arrive chez nous. Certains médecins s’inquiètent des effets secondaires sur leurs patientes, mais les organismes ferment les yeux sur cette « pilule miracle ». Les dangers potentiels de ce médicament sont minimisés, c’est pourquoi il aura fallu attendre si longtemps avant que l’on commence à les prendre au sérieux. Source : pages 70 à 85.

  • Le sujet de la pilule pour hommes a été rapidement mis sur la table après le lancement de celle pour les femmes. Les essais ont cependant rapidement été stoppés à cause d’effets secondaires. Admirez l’ironie. Source : pages 90-91.
    Aujourd’hui, le sujet de la pilule masculine revient, ce qui peut être une bonne solution, mais il est à mon avis primordial de mettre au point des médicaments contraceptifs qui soient plus sûrs pour tous, hommes ou femmes.

La pilule, un sujet féministe

C’est parti, je mets les pieds dans le plat ! 
La sexualité, l’intimité féminine, les règles sont encore un sujet tabou en 2020. On a fait des progrès dans les pays occidentaux mais si on a encore du chemin à faire, la situation est catastrophique ailleurs sur le globe. 

Le contrôle du corps féminin est un sujet majeur dans la lutte pour l’égalité, et notamment en ce qui concerne la contraception. Pourtant, les femmes sont encore trop souvent considérées comme seules responsables du contrôle des naissances dans un couple, sous prétexte que ce sont elles qui donnent la vie. Il me semble néanmoins qu’un enfant se fait à deux et qu’il est ainsi la responsabilité de deux personnes. Le plaisir du partenaire ne doit pas vous contraindre à choisir une contraception plutôt qu’une autre. C’est un sujet qui se décide à deux et où les deux voix ont autant d’importance. N’hésitez pas à en parler, cela ne doit pas être tabou dans un couple. Beaucoup d’hommes de mon entourage se sentent impliqués à ce sujet, les mentalités ont (heureusement) évolué.

Dire que nous ne voulons plus de la pilule ne fait pas de nous des ingrates envers celles qui se sont battues pour la généraliser, ni des anti-féministes. Au contraire. Nous ne voulons plus de la pilule parce que nous avons le pouvoir de faire entendre nos voix. Nous avons aujourd’hui les moyens de savoir de quoi elle est composée, ses éventuels effets nocifs, ses conséquences. Nos aînées ont fait avec les moyens de leur époque, dans le contexte qui était le leur ; nous mettons à jour leur revendication de la liberté du corps féminin, dans les temps qui sont les nôtres. L’époque est au mieux-être, à la remise en cause des compositions des produits du quotidien, au recentrement sur la santé. 

Tous ceux de mauvaise foi vous rappelleront que la pilule a pourtant permis la libération sexuelle. C’est donner un rôle trop important à la pilule et oublier un chapitre de l’Histoire occidentale. Après la Première Guerre Mondiale vient un temps où les jeunes générations veulent profiter de la vie : les années 20 ou « années folles ». Les mœurs se libèrent et on voit apparaître des méthodes de contrôle des naissances dans les foyers. La première mise sur le marché de la pilule date de 1957, soit 37 ans après. Les femmes n’ont pas attendu la pilule pour profiter de leur vie sexuelle en en limitant les conséquences.

Le mot de la fin

Comme dit au début, cet article n’a pas pour objectif de vous alarmer, de vous détourner de la pilule si vous la prenez. Dans tous les cas, si la lecture de cet article ou de ce livre vous donne envie de vous renseigner davantage sur les alternatives à la pilule, je vous conseille d’en discuter avec un gynécologue ouvert d’esprit, afin de trouver ensemble le moyen de contraception le plus adapté pour vous. Il est possible que vous tombiez finalement d’accord sur le fait que la pilule soit la méthode qui vous convienne le mieux à l’instant T, mais vous aurez fait ce choix par conviction et non par défaut.

J’insiste sur l’ouverture d’esprit et la bonne communication entre vous et votre praticien : s’il tient un discours qui vous blesse, que vous jugez rétrograde ou dégradant, n’hésitez pas à en changer. Il ou elle est là pour vous guider et vous conseiller sans préjugés et sans vous juger (c’est dans le serment d’Hippocrate), vous ne devez pas vous rendre à son cabinet en redoutant le rendez-vous, il est primordial que vous soyez à l’aise et en confiance pour discuter d’un sujet aussi intime.

Pour vous renseigner sur les différentes méthodes de contraception, on vous recommande le blog de Martin Winckler, médecin militant féministe, qui aborde très bien le sujet.


Avez-vous déjà entendu parler de ce livre ? Est-ce un sujet qui vous intéresse ?

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