journal d'une féministe au foyer
Écologie et Société,  Se reconnecter

Journal d’une féministe au foyer

L’année dernière, j’ai dévoré les épisodes de la série « The Bold Type », qui suit les aventures de Jane, Kat et Sutton dans leur vie pro et perso. Très Sex and the City mais en plus moderne (je vous la recommande fortement au passage, dispo sur Amazon Prime, non je ne suis pas payée, merci, bisous !). J’ai beaucoup aimé la façon dont la série traite de divers sujets féministes et actuels, tels que le racisme ordinaire, le fait de ne pas vouloir d’enfants, comment concilier religion et homosexualité… Dans un épisode, Jane se demande si ses actions (avec lesquelles elle est pourtant en paix) ne font pas d’elle une « failing feminist », à savoir une « fausse féministe ». Oui, je sais que ce n’est pas la traduction exacte, mais c’est celle qui rend le mieux ce sentiment d’imposteur. 

Ce terme implique une notion de défaillance, comme si on manquait à ses devoirs. Il a résonné en moi, a trouvé un écho sur certains sujets sensibles : est-ce que le fait de m’occuper de ma maison à temps partiel fait de moi une « fausse » féministe ?

Un jugement de valeur

On le sait, la société nous inculque dès le plus jeune âge qu’il faut être productif de façon professionnelle pour être utile. Cette « norme » que l’on a intégrée est une sorte de filtre au travers duquel on jauge le monde qui nous entoure… et nous-même. 

À cause de ça, j’ai l’impression que, parce que je ne « produis » pas ou peu, mes actions n’ont aucune importance. Et pourtant, je ne suis pas inactive : je travaille pour le blog (et ça demande pas mal de temps), je cuisine, couds, m’occupe de la maison et du linge, vois du monde, fais du sport… sans compter mes missions d’autoentrepreneur. Bref, je m’occupe et je travaille, même si la société ne le valorise pas
Attention, je ne juge pas les personnes au foyer, les gens au chômage… Ce sentiment critique est uniquement vis-à-vis de moi, ce qui est d’autant plus paradoxal. 

À l’époque où j’étais salariée, je devais faire entrer toutes ces activités « non pro » sur mon temps libre, ce qui me pesait. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : fini les petites frustrations, le linge qui s’entasse, la maison qui se salit… je gère au fur et à mesure et ça me fait du bien (coucou la team maniaque qui a besoin d’un environnement propre et rangé pour travailler correctement).

Mais du coup, femme au foyer et féministe c’est compatible ?

Moi qui m’étais toujours dit que je n’arrêterais pas de travailler lorsque j’aurai des enfants, je reviens aujourd’hui sur cette décision.  
Alors forcément, je me suis posé la question : après toutes ces années de combat féministe, est-ce que je ne « trahis » pas les femmes en restant à la maison ? 

La réponse fut évidente (imaginez l’ampoule qui s’allume au-dessus de ma tête) : NON. Non, non et non. C’est un faux problème :

  • Parce qu’on peut être féministe et ne pas avoir le choix de s’arrêter de travailler ;
  • Parce qu’on peut être féministe et avoir ENVIE de le faire (si si, ça existe encore en 2022) et que non, ce n’est pas juste parce que la société nous a appris que c’était à la femme de s’occuper des enfants ;
  • Parce qu’on peut tout simplement être féministe de mille et une façons ;
  • Parce que notre valeur ne se mesure pas à ce que l’on fait comme travail, à notre valeur productive, mais bien à ce que nous sommes en tant qu’individus, aux choix que nous faisons dans la vie, à notre volonté de rendre le monde meilleur. Et cela commence bêtement par nos proches et notre entourage immédiat. Et puis parce que sinon, avoir peu de morale dans son métier en ramenant plein d’argent voudrait dire avoir plus de valeur qu’un.e assistant.e social.e qui se bat pour améliorer les conditions de vie de son prochain, et ça, ce serait vraiment moche.

En fait, je pense que tant que l’on est en accord avec ses valeurs, on ne trahit rien. C’est un point de vue plus large, plus humaniste (dans le sens le genre humain) que féministe. 

Pensez-y la prochaine fois que vous affronterez la redoutable question du tu-fais-quoi-dans-la-vie et que vous serez face à un individu au regard dépréciateur. Soyez indulgente, il.elle reste persuadé.e que notre métier nous définit (bouh ! Il.elle n’a pas lu cet article d’Emma !).  

Le faux féminisme

Enfin, il serait libérateur d’être plus bienveillantes dans notre approche du féminisme, en respectant les volontés de chacune sans se juger, en donnant le droit de parole à toutes. N’est-ce pas contradictoire de dire à une femme « non, tu ne peux pas choisir ce que tu veux être car c’est anti-féministe » ? Le féminisme ne prône-t-il pas une libération du patriarcat et des décisions imposées à la femme par les hommes ? Si les femmes se mettent à imposer des décisions aux femmes, on devient contreproductives. Emma a d’ailleurs écrit un super article sur la sororité ici.

Oui, nous avons la possibilité de faire beaucoup de choses, nous devons être estimées égales aux hommes, mais je ne pense pas que la parité s’obtienne par l’interdiction et le jugement envers celles qui voudraient choisir d’autres voies. Car empêcher, rabaisser, critiquer, c’est créer de l’inégalité (le serpent qui se mord la queue, tout ça, tout ça…). 

C’est un peu comme dire « tu n’es pas féministe, tu mets du vernis ! », ne me lancez pas sur le sujet…

Tout ça pour dire…

Foutons-nous davantage la paix : tant qu’on ne fait de mal à personne, qui sommes-nous pour nous juger les uns les autres ?

Oui, je suis dans la lignée peace and love en ce moment, mais c’est ce à quoi j’aspire sincèrement pour 2022 : plus de bienveillance et de respect.


Allez, promis, le prochain article que j’écris sera plus léger (indice : on se parle soins cheveux). Un peu de futilité -et de sens pratique- fait toujours du bien 😉  

Crédits photo : Karolina Grabowska via Pexels

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